Le second cerveau de JCK

Distinguer érudition, connaissance et compréhension

Qui n’a jamais été impressionné à un repas ou une soirée par un invité donnant l’impression de tout savoir, de pouvoir parler de n’importe quel sujet, d’avoir des connaissances semblant infinies ?

Souvent, nous prêtons à ce type de personne des qualités d’intelligences (dans une définition vague et certainement erronée du terme).

Et comme Martin Eden dans le roman de Jack London, se sentant à la fois attiré et inférieur à ses hôtes lorsqu’il fait la connaissance de la famille riche et noble de la fille dont il est tombé amoureux, nous pouvons ressentir de l’admiration, de la jalousie et peut-être un peu de honte en comparant notre “intelligence” ou plus précisément devrait-on se dire, notre culture, à celle de cette personne.

Mais cette association d’érudition et d’intelligence est-elle juste ?

J’ai envie de vous dire que cela dépend et je vais vous partager mon histoire personnelle pour tenter de démêler cette affaire.

À l’instar de Martin Eden, j’ai pu parfois souffrir d’un sentiment d’infériorité d’un point de vue intellectuel en fréquentant certains milieux. Et comme lui, j’ai mis du temps à comprendre la différence entre érudition et intelligence.

Plus qu’une différence, ce qui compte, c’est l’usage que l’on fait de ses connaissances et de cette qualité d’érudit - qui d’ailleurs bien souvent d’ailleurs n’est qu’une érudition perçue et superficielle.

Vous savez c’est gens “type "Sciences-Po” qui peuvent parler de tout sans vraiment rien dire en substance. Qui citent plus qu’ils ne réfléchissent vraiment.

Martin Eden s’en rendra compte à son grand malheur dans le roman en constatant cette facticité qu’il n’avait pas envisagée en découvrant cet univers.

Accumuler et utiliser des connaissances à des fins tels que briller et susciter une forme “d’admiration” ou autre curiosité à un repas ou à une soirée avec des inconnus présentent un intérêt, à mon sens, futile et superficiel.

Malgré moi, j’ai été victime ce genre de comportement - en tant que récepteur et émetteur parfois - de par la manière dont je voyais les étapes à franchir pour me développer intellectuellement.

Ces dernières années j’ai accumulé énormément de connaissances, de concepts, d’histoires, d’anecdotes.

J’aime beaucoup apprendre de nouvelles choses, mais à un moment il faut se poser la question du pourquoi : Pourquoi accumuler cette connaissance ?

J’avais l’impression que je devais rattraper une sorte de retard de par mon histoire personnelle ou encore qu’il fallait remplir son cerveau d’un ensemble d’idées pour pouvoir ensuite les utiliser avec justesse.

Mais c’est une erreur !

Permettez-moi - tout de même - de citer mon mentor vieux de plus de 500 ans.

Michel de Montaigne disait : “Une tête bien faite vaut mieux qu’une tête bien pleine”.

Et là, on comprend l’erreur (et mon erreur). C’est de perdre de vue la finalité la plus noble et la plus utile de la connaissance, qui n’est pas l’accumulation de containers d’informations et de jus de culture mais la capacité à mobiliser ce savoir pour nous aider à comprendre, à penser par soi-même, à raisonner.

Il faut distinguer l’érudition de la pensée aurait dit Nietzsche, lui qui jugea que sa cécité précoce fut une opportunité, celle de ne pas avoir à toujours plus lire les idées des autres tel un futur humain augmenté par les puces transhumanistes mais plutôt de pouvoir mobiliser sa raison et sa capacité à penser en l’agrémentant d’un savoir acquis plus jeune et amplement suffisant pour construire une œuvre intemporelle.

Cette prise de conscience amène des ajustements concrets dans ma vie quotidienne.

Pour commencer, celui d’avoir fait évoluer mon rapport aux livres et à la lecture, cherchant dorénavant à moins lire, à étudier plus, à relire régulièrement, à écrire à partir des réflexions et idées présentes dans certains livres etc.

Ou encore, ma perception de mon programme d’éducation philosophique, mais aussi psychologique et sociologique.

Le but n’est pas de tout lire, de tout savoir. Non, l’objectif est de partir de problématiques, de thèmes, d’enjeux contemporains et d’aller puiser dans les textes de nos contemporains et surtout ancêtres pour agrémenter mes propres réflexions des leurs.

Ainsi de proposer à terme des perspectives, réflexions, idées et concepts qui seront bien plus utiles aux autres et à moi-même qu’une connaissance de surface servant à faire bonne figure devant des assemblées.

Bref, ne cherchons pas à accumuler les connaissances comme un antiquaire mais utilisons-les avec parcimonie pour nous aider à comprendre et mieux penser notre société, nos enjeux contemporains ou encore nos problématiques collectives et personnelles.

In fine, éduquer ou s’éduquer ce n’est pas seulement de l’information mais avant tout de la formation.

C’est d’autant plus important dans une ère de post-vérité où l’on ne sait plus quelle information prendre en compte, mieux vaut être, formé à penser que penser à s’informer.

#connaissance de soi #développement intellectuel